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L’évocation du trailer d’annonce de Final Fantasy XV en 2013 nous rappelle à des joies frénétiques et à des instants de communion rares au sein de la communauté. On pourrait s’amuser à le détricoter voire à compter ce qu’il en reste aujourd’hui que cela ne changerait rien à l’affection qu’on lui porte. Un montage puissant, qui combine une action grandiloquente à une fresque familiale tragique, et puis un découpage ciselé comme du papier à musique. Une piste musicale d’ailleurs pensée pour les besoins de la bande-annonce pour un ensemble harmonieux fait de juxtapositions logiques et nous racontant une histoire.

Par LC et Skypirate

 

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Si l’évocation de la bande-annonce de 2013 est évidemment associée à la mue de Versus XIII en Final Fantasy XV et à des scènes de gameplay au rendu renversant, elle est aussi le point d’entrée à une fresque familiale poignante.

This is a fantasy based on another fantasy

La revisite du fameux trailer par un fan, à partir de la véritable “trame” de FFXV, il y a quelques semaines fut à cet égard le point d’entrée de notre billet consacré au pouvoir d’attraction des bandes-annonces.

Nous avons été littéralement stupéfaits par la qualité du montage qui transcende les images elles-mêmes, quitte à se lover dans un déni de réalité à grands renforts de coupes cinématographiques et artifices bien choisis. Naturellement aidé par quelques morceaux de Kingsglaive évoquant la fourberie de Niflheim, la vidéo combine instants de contemplation (gros plan sur la capitale d’Insomnia encore vaillante à 1,31′) jusqu’au face-à-face attendu contre Léviathan (2,10′). L’utilisation du film Kingsglaive comme support des “jolis moments” rappelle d’ailleurs à quel point Final Fantasy XV est fragilisé par l’abandon des instants “guimauves” et qui offrent à la contemplation un vrai rôle. Les cinématiques précalculées servent de support de mémorisation, d’ancrage au sein de l’univers, et d’appui pour mieux s’en approprier les codes. Il est regrettable que la BD2 ait tant voulu chambouler ces codes sans pouvoir offrir une alternative vraiment solide en dehors de la toute fin, et à l’exception de la magnifique séquence du milieu de l’histoire qui s’inscrit justement dans la dynamique traditionnelle (CGI à très haute teneur artistique).

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Malgré la volonté de s’émanciper du modèle imaginé par Nomura, le Final Fantasy XV que l’on connaît s’est obligé à un certain devoir de mimétisme qui évoque des moments douloureux. On y ressent l’effort des équipes mais rarement la maîtrise, et donc la pertinence.

Les affrontements sont quant à eux abordés sous un jour très cinématographique, et pour l’occasion débarrassés au maximum des éléments de l’interface(comme dans la bande-annonce originale) pour se concentrer sur la lutte du jeune prince Noctis, et les joutes en perpétuel mouvement. La folie des animations, et l’allure très chorégraphiée confère à l’ensemble un raffinement singulier et un fol élan de bravoure qu’il faut malgré tout nuancer. L’extrême simplicité du jeu et le manque de fond pour faire du système de combat autre chose qu’un ballet hypnotisant n’apparaissent pas outre mesure ici alors qu’il s’agit enfin d’une vérité dommageable. Il faut toujours garder en tête que voir et en faire l’expérience sont les fondations du médium jeu-vidéo. Toutes les bandes-annonces ne sont pas mensongères et si le diffuseur est bien armé des meilleures intentions, le joueur-spectateur peut se méprendre d’avance sur ce qu’il vivra en « simple » joueur.

Plus vive est la lumière, plus noires sont les ombres

Évoquer l’E3 2013 revient aussi à aborder la conférence Sony où la mue de Versus XIII s’est accompagnée de l’annonce de Kingdom Hearts III à coups de réactions parfois hystériques. Après l’euphorie est tristement venue l’heure de la raison et du constat amer que rien ne pourrait légitimer une annonce aussi prématurée à part, sans doute, la volonté pour Square Enix d’enfin ressentir une responsabilité quant à l’avenir de la franchise. Si l’éditeur n’avait clairement pas besoin de Kingdom Hearts III pour tirer son épingle de la conférence Sony, l’effet d’accumulation est venue offrir encore plus de relief aux annonces. Incarnées littéralement par Tetsuya Nomura, speaker d’un instant depuis Artnia (boutique officielle bien achalandée mais aussi très onéreuse et située à deux pas des bureaux tokyoïtes de Square Enix dans le quartier de Shinjuku), il s’agissait aussi de ne pas rater le grand rendez-vous de la nouvelle génération. Avec des moyens plus modestes qu’en 2006 où Fabula Nova Crystallis s’était offert une conférence sûrement trop pompeuse pour son propre bien, Square Enix comptait encore sur des images fortes pour dompter la patience des fans, et dessiner les plaisirs de demain.

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Si Square Enix n’avait décidément pas besoin de Kingdom Hearts III pour marquer la conférence de Sony en 2013, l’éditeur a voulu se saisir de l’événement pour enfin porter officiellement la responsabilité d’une suite (et fin) pour Sora. Quitte à proposer du contenu complètement factice sanctifié sans trop d’efforts…

Les images fortes sont restées alors que tout allait changer peu de temps après, quand le projet fut encore repensé et confié à d’autres mains. Ces dernières héritaient donc de la vision d’un projet qu’ils allaient devoir s’approprier, et quand bien même les intentions furent telles au début, la suite de l’aventure révéla que FFXV avait encore pris un autre chemin dans le monde ouvert des possibilités.
Il aura fallu attendre longtemps d’ailleurs avant d’en voir la véritable teneur. Les bandes-annonces de 2014 étaient encore du matériel qui illustrait du contenu qui ne serait sciemment jamais exploité tel quel, et en 2015, les deux bandes-annonces furent l’occasion de découvrir un nouveau genre de malaise alors que c’est précisément là que FFXV naissait officiellement. Car malheureusement, malgré l’audace de la démarche et à cause de son manque de contenu tangible digne de ce qu’on a pu voir en 2013, l’histoire ne faisait que se répéter alors qu’une échéance était maintenant fixée en interne et que les tergiversations n’auraient plus dû être possibles.

constipation occasionnelle
On pensait les tergiversations impossibles après l’échec Versus XIII et la « petite mort » du Final Fantasy XV de 2013, mais c’est un Final Fantasy XV aux ambitions cinématographiques trompeuses et morts-nées qui s’est présenté à nous en 2014. C’est donc sous des atours trompeurs que Hajime Tabata et ses équipes ont finalement voulu apprivoiser le public après le départ de Tetsuya Nomura, pour gagner du temps et la confiance.

 

Cursor2.png Le comble du comble reste néanmoins le fait que certains contenus absents du jeu, issus théoriquement de la vision officielle pour FFXV sont bien considérés comme canons, et ce même si l’ambiguïté règne quant aux thématiques et leur cohérence chronologique. On note pourtant un usage a posteriori (suite à la vague de correctifs et autre contenus additionnels) très maladroit dans le jeu de certains bouts, comme pour boucler la boucle et rassasier les joueurs déçus par une histoire bancale, ce qui soulève un autre point parmi une multitude sur lequel nous reviendrons plus tard : OMEN.